Je
ne viens que d'avoir 10 ans,
En Europe la guerre fait rage,
Les tranchées sont remplies de sang,
Moi, ici, tout seul, je nage...
En Europe la guerre fait rage,
Les tranchées sont remplies de sang,
Moi, ici, tout seul, je nage...
Je
goûte à des plaisirs d'enfant
Dans ce paradis sauvage,
Depuis bientôt plus d'un an,
Papeete pour paysage...
Dans ce paradis sauvage,
Depuis bientôt plus d'un an,
Papeete pour paysage...
L'école
est pourtant là,
Avec cette mission pour ancrage,
Ces quelques frères pénitents
Donnent leur savoir en partage.
Avec cette mission pour ancrage,
Ces quelques frères pénitents
Donnent leur savoir en partage.
Et
dans ces rythmes indolents,
Tel un immense sarcophage,
L'archipel offre ses présents
A ses voyageurs de passage...
L'archipel offre ses présents
A ses voyageurs de passage...
Les
cocotiers toujours présents,
Rafraîchissants, de leur ombrage,
Abritent des crabes grimpants
Dont on fait d'immenses saccages.
Rafraîchissants, de leur ombrage,
Abritent des crabes grimpants
Dont on fait d'immenses saccages.
Ici
les fruits sont abondants,
Et la nature nous engage
A profiter du temps présent
Comme d'un rite anthropophage.
Et la nature nous engage
A profiter du temps présent
Comme d'un rite anthropophage.
Les
filets dans les lagons brillants,
Ramènent dans leur fin maillage,
De longs poissons tout ruisselants
Que l'on récolte sans ambages.
Ramènent dans leur fin maillage,
De longs poissons tout ruisselants
Que l'on récolte sans ambages.
Et
dans leurs beaux reflets d'argent,
Il y a toujours ces coquillages,
Ces huîtres plates renfermant
Les perles dont elles sont la cage.
Il y a toujours ces coquillages,
Ces huîtres plates renfermant
Les perles dont elles sont la cage.
Mais
attention, sois vigilant !
De cet Eden aux cent visages,
Serpent-minute peut prestement
Te renvoyer dans les nuages...
De cet Eden aux cent visages,
Serpent-minute peut prestement
Te renvoyer dans les nuages...
Aller
pêcher le requin blanc,
Le monstre de ces beaux rivages,
A coups de rames sur l'océan
Pour le rabattre vers la plage.
Le monstre de ces beaux rivages,
A coups de rames sur l'océan
Pour le rabattre vers la plage.
Le
requin bleu pour les enfants,
Amphibiens dès leur plus jeune âge,
Est un jeu simple et amusant
Dont la mâchoire sert de gage.
Amphibiens dès leur plus jeune âge,
Est un jeu simple et amusant
Dont la mâchoire sert de gage.
Les
indigènes sont charmants,
La tahitienne a cette image
De la beauté de ses vingt ans,
Fanant comme un vague mirage...
La tahitienne a cette image
De la beauté de ses vingt ans,
Fanant comme un vague mirage...
Mais
son regard de firmament
Ferme un moment le noir passage
Qui nous ramène incessamment
A l'horizon de nos naufrages.
Ferme un moment le noir passage
Qui nous ramène incessamment
A l'horizon de nos naufrages.
Sous
un soleil abrutissant,
Les pirogues à l'abordage
De l'arrivée d'un vieux gréement
Qui vient se poser au mouillage.
Les pirogues à l'abordage
De l'arrivée d'un vieux gréement
Qui vient se poser au mouillage.
Le
bateau s'entoure des chants
De ces hommes dont le courage,
La puissance et les gestes lents
Forcent le respect et l'hommage.
De ces hommes dont le courage,
La puissance et les gestes lents
Forcent le respect et l'hommage.
Sous
sa coque les adolescents
S'amusent à faire des passages,
Les poumons pleins d'un air plongeant,
Laissant ses bulles pour sillage.
S'amusent à faire des passages,
Les poumons pleins d'un air plongeant,
Laissant ses bulles pour sillage.
A
la capitainerie mon père attend
D'enregistrer les arrivages,
Maître fourrier qu'un sort clément
A maintenu loin du carnage.
D'enregistrer les arrivages,
Maître fourrier qu'un sort clément
A maintenu loin du carnage.
Il
guette son croiseur allemand,
Le Bismarck est dans les parages,
De guerres lointaines, signe planant,
De ces tueries, mauvais adage...
Le Bismarck est dans les parages,
De guerres lointaines, signe planant,
De ces tueries, mauvais adage...
Ma
mère écrit pendant ce temps,
Et chaque jour noircit les pages
Du quotidien de ces jours lents,
Aux antipodes de l'outrage.
Et chaque jour noircit les pages
Du quotidien de ces jours lents,
Aux antipodes de l'outrage.
Et
moi je pense secrètement,
Regardant leur curieux ramage,
Que ces oiseaux de mon présent,
Resteront ceux de mes voyages.
Regardant leur curieux ramage,
Que ces oiseaux de mon présent,
Resteront ceux de mes voyages.
Dans
mon futur assurément,
Tous les fruits de mon mariage,
Mes filles et leurs enfants
Sauront le goût de ces rivages.
Tous les fruits de mon mariage,
Mes filles et leurs enfants
Sauront le goût de ces rivages.
A Tahiti, j'ai eu dix ans,
De moi restera cette image,
Ma mère et mon père m'entourant,
Mille neuf cent seize, pas davantage...
De moi restera cette image,
Ma mère et mon père m'entourant,
Mille neuf cent seize, pas davantage...