jeudi 19 novembre 2009

Le cordon




Ce matin-là je n'eus pas, las,
faveur inaugurale, hélas,
de me voir couper l'ombilic
de père au vague à lame oblique ;
relié de trop près à sa mère,
comme un beau cadeau métamère,
je laissai donc à son office
celle qui me tendit mon fils.

Ce sont passés déjà neuf ans,
le temps passe comme le vent,
mais laisse son empreinte ignée
mieux que fers aux œuvres signées,
mieux que forceps, accouchement,
mieux que biceps en couches ment,
mieux que je ne saurais l'écrire,
moins bien que l'amour qu'il inspire.

Ce matin pluvieux de novembre,
quand d'une idée vinrent des membres
et l'âme qui les accompagne
du ventre rond de ma compagne,
je n'eus d'éclaircie que l'azur
des bleuets de son regard pur,
et de mes larmes contenues
le bain de ce petit corps nu.

Ce sont passés déjà neuf ans,
le bébé garçon devenant,
marchant, parlant, pleurant, pêchant,
sans que jamais ne m'empêchant
nul éloignement de chevet,
de ce que filiation revêt,
ni nulles lieues de sacrifice
à le considérer mon fils.

Ce matin pluvieux de l'automne
et dont Verlaine fit des tonnes,
il reste à nous tant que l'on tord
entre messieurs Pratt et Victor,
les doux mouchoirs de ton prénom
et les espoirs dont tu pris nom,
comme les linges qu'on essore
du premier bain dont j'eus le sort...

Ce sont passés déjà neuf ans,
pourtant, de ce premier levant,
ce sont tant d'autres à venir
qu'il faut songer à l'avenir.
De mon amour inexpugnable,
je dois t'écrire l'indéniable :
il nous faudra couper, mon fils,
le cordon pour que tu grandisses.

5 commentaires:

Âmeor a dit…

Jen vis actuellement l'expérience, de ce cordon qui petit à petit se tend et se distant...Mon coeur de mère a peur de le voir ainsi s'éloigner au cas ou je ne serai plus là pour le protéger...Mais lui ce fils béni, demande à prendre son envol. Il est encore jeune (15 ans) mis je ne pourrais pas longtemps le retenir, un jour il va partir alors commencera pour moi le vrai tourment. Et cela fait partie de la vie...
Joyeux anniversaire Hugo !
Bises iodées...
Âmeor

Michel P a dit…

Ce ne doit pas être un tourment, chère amie. Couper le cordon est la chose la plus naturelle qui soit : aimer différemment, aimer indépendamment.
Biz à toi

Philippe a dit…

ça donne envie d'être père, amigo!

Michel P a dit…

ça, Philippe, c'est le plus beau commentaire que l'on puisse me faire de ce texte !

Morgan a dit…

Tu a couché là sur la feuille un très beau chant tout irrigué de tendresse.